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«  Cool Hotel Chaos » (Australie)                                                                                                       Portfolio

Octobre 2016 - Juin 2017

C’est l’histoire d’une fin, celle du Gatwick Private Hotel à Melbourne. Ses propriétaires, Rose Banks et Yvette Kelly, deux sœurs jumelles, ont accueilli durant 20 ans ceux qui n’avaient nulle part où aller : pauvres, sans-domicile-fixe, toxicomanes, prostituées, anciens détenus fraîchement sortis de prison. Le Gatwick a été un lieu de passage pour beaucoup, et pour certains une maison des décennies durant. Dans le quartier de Saint-Kilda en pleine gentrification, l'immeuble faisait figure de trouble-fête. Sa réputation sulfureuse a précipité sa chute. Channel 9 a racheté le bâtiment pour son émission de téléréalité The Block en juillet 2017. L’hôtel des années 1930 a été rénové et découpé en appartements luxueux.

Avant sa fermeture définitive en juillet 2017, le Gatwick affichait complet presque chaque nuit et hébergeait entre 100 et 150 personnes. Pour beaucoup de résidents, le Gatwick évoque une maison, une famille, «un endroit où on ne juge pas». «Exotique», «intense», «paradis», «enfer», chaque résident a son propre point de vue sur le Gatwick. Tous sont lucides sur la vétusté de l’endroit et s‘accordent pour saluer le travail des jumelles. Rose et Yvette ont joué le rôle de mère de substitution pour de nombreux pensionnaires à travers leur présence et leurs actions : coupes de cheveux gratuites, vêtements raccommodés, petits cadeaux à Noël. C’est à l’âge de 14 ans, qu’elles ont commencé à travailler au Gatwick alors tenu par leur mère. A son décès en 1998, les sœurs jumelles ont repris le flambeau. L’imposante bâtisse de 2700 mètres carrés, trois niveaux, une centaine de pièces, est vétuste. Linge, nettoyage des chambres, et réparations, le travail est harassant pour les deux sœurs : il mange tous les jours de la semaine. Les multiples réparations pèsent sur le budget du Gatwick, d'autant que peu de résidents paient la totalité de leur loyer modéré.

Pour Mickael, le veilleur de nuit, les méthamphétamines ont précipité la chute du Gatwick. Délires paranoïaques et comportements violents éclosent fréquemment sous l’influence de cette drogue. «Les gens qui en prennent deviennent ingérables, ils ne dorment même plus». Entre le 1er janvier et le 11 octobre 2016, 97 appels sont parvenus aux urgences depuis le Gatwick, dont 21 pour des overdoses. Les ambulanciers ne rentraient plus au Gatwick sans escorte policière. La nuit, après le service de Mickael, toute la faune de Saint-Kilda s’y engouffrait pour acheter, vendre et s’injecter de la drogue. Chaque matin, des centaines de seringues étaient ramassées dans l’hôtel. Pour éviter les tensions entre les différents groupes sociaux, Rose et Yvette plaçaient au dernier étage, les résidents les plus calmes, les plus âgés, certains au Gatwick depuis 30 ans.

La fermeture du Gatwick, annoncée à tort tant de fois, a pris de court l’ensemble des résidents. La mairie a engagé des gardiens pour sécuriser l’entrée du bâtiment la nuit. Les chambres ont été graduellement vidées, les portes et fenêtres condamnées. La population a décru d’avril à juin. Rose et Yvette ont continué à nettoyer, ranger et repeindre les chambres vidées. Rose reconnait «c’est comme déplacer des transats sur le Titanic [...] mais je veux que le Gatwick s’en aille de façon convenable». Une équipe d’une association locale a tenté de reloger les résidents officiels. Rose et Yvette ont donné un coup de main aux résidents pour déménager leurs affaires.

 

Le Gatwick a été vendu à Channel 9 en juillet 2017. En novembre, les travaux ont commencé : le toit a été arraché, l’escalier central démoli, les pièces éventrées. Une page est tournée à Saint-Kilda, «la fin d’une ère» selon un ancien résident. 

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